Tout a commencé le lundi 5 janvier au petit matin. J'avais rdv à 8h30 avec Kathy, ma responsable RH de Marlborough où je travaille. Je suis arrivé pile à l'heure, c'est-à-dire pas vraiment en avance et le pas un peu pressé. Je n'en étais pas stressé pour autant puisque je connaissais déjà mon équipe et l'itinéraire pour me rendre au boulot ! Néanmoins, premier jour, premiers bouchons sur la route. Mais, pour la conduite aux USA, j'y reviendrai plus tard ! Nous avons donc passé la matinée ensemble avec Kathy et un nouvel embauché qui fait partie d'une autre équipe. Elle nous a présenté le groupe, un peu de blabla et surtout plein de formulaires et de procédures à remplir et à lire. Bienvenue dans le monde des grandes entreprises ! Pourtant, ce que j'ai apprécié c'est que tout est bien organisé pour accueillir les nouveaux arrivants. Du classeur que l'on vous donne à l'arrivée avec des infos pratiques sur l'entreprise, son intranet, les papiers administratifs et leurs explications, au petit cadeau de bienvenue (un cadre pour pouvoir mettre une photo sur mon bureau... le cliché ! haha...) tout est fait pour faciliter votre intégration. D'ailleurs, la première semaine en entier est prévue à la formation et à l'orientation, ce qui permet de s'acclimater !

Pour ce qui est de la langue, je ne comprenais pas tout et c'est vrai que ce ne fût pas si facile de se mettre dans le bain d'autant plus que je ne suis pas très matinal ! C'était pourtant bel et bien parti pour ma première journée entièrement en V.O. ! A la fin de la matinée, Kathy me montre mon superbe "baise-en-ville" en cuir flambant neuf que Harmonie m'a offert à Noël. Elle me dit que son mari en cherchait un et me demande comment on appelle cela en français. Un peu pris de court par la question et ne pouvant me résoudre à tenter la moindre traduction d'une expression bien française telle que "baise-en-ville" (je vous laisse la responsabilité de la traduire...), j'ai hésité et choisi le mot sacoche plus conventionnel... Mais après réflexion je pense tout simplement que j'ai tout simplement mal compris la question et qu'elle souhaitait simplement connaître la marque, Arthur & Aston en l'occurrence. Non vraiment pour l'anglais, c'est pas gagné d'avance !

Ce n'est que l'après-midi du premier jour que je prends possession de mon bureau et que je rencontre mon équipe au complet. Jim, mon chef bien sympa (que je vous ai présenté dans un précédent billet) m'accueille donc et me présente mon bureau. Tous les ingénieurs (sauf les managers) sont situés dans un espèce "d'open space" compartimenté par des box (ici ils n'utilisent pas ce mot, de toute façon c'est un grand classique des bureaux américains donc ça ne les choque pas) . Chacun a donc un petit espace personnel de 4m2 avec trois bureaux placés en U et trois étagères sur les cloisons amovibles qui les entourent). Ce qui est drôle c'est qu'une fois debout, grâce à ma taille j'arrive à voir par dessus les bureaux, ce qui me donne un peu plus d'espace (et ça m'évite les accrochages dans les carrefours des allées !).

Lorsque je suis arrivé à mon poste, il y avait pas mal de découvertes :

  • un ordinateur portable tout neuf qui m'a été attribué, la sacoche (qui va bien avec le chargeur et la souris), l'écran supplémentaire avec clavier, une deuxième souris (!) et un socle pour pouvoir brancher mon ordinateur lorsque je travaillerai au bureau.
  • un gros téléphone Cisco system avec plein de boutons et heureusement une notice bien pratique !
  • une chaise de bureau (évidemment) toute réglable et avec une espèce d'étiquette sur le côté. Sur l'étiquette, il y a indiqué "ne peut être retiré que par le propriétaire". Il s'agit d'une étiquette prouvant que cette chaise n'a été utilisée par aucune personne avant ! A chaque employé, une nouvelle chaise ? On marche sur la tête ! D'ailleurs, ce genre d'étiquettes d'avertissement, d'hygiène, etc., on en trouve un peu partout sur les objets neufs aux USA, c'est bizarre mais je pense que c'est pour se dégager de toute responsabilité en cas de plainte d'un utilisateur...

Pour en revenir à la suite de ma journée, mon "buddy", Bob environ 65 ans, (la personne chargée de mon orientation la première semaine) m'a accueilli et m'a présenté tout un tas de choses. Pour ne rien oublier, une liste lui est même fournie avec autant d'étapes à suivre pour le premier jour et la suite de la semainee. D'ailleurs, même mon chef Jim avait une liste lui aussi sur les différentes étapes de ma formation durant le premier jour et le reste de la semaine. Même si l'on a forcément l'impression de rentrer dans un moule, cela évite tout de même d'oublier des étapes et pour certaines très importantes...

Durant les trois premiers jours, j'ai dû par exemple me rendre à l'hôpital de Marlborough pour passer tout un tas de tests médicaux. Ces tests sont spécifiques à l'entreprise et ne sont pas propres aux USA. La raison est très simple, dès lors que l'on travaille sur des projets nucléaires (en bureau ou sur site), nous n'avons pas le droit de consommer d'alcool (et l'on doit même arrêter d'en boire 5 heures avant de démarrer une journée de travail) et les éventuelles adictions à des médicaments ou à une drogue sont contrôlés. Ainsi, j'ai dû faire un alcotest (0,0 g/L, ouf !) et un test urinaire (mon premier je crois). Pour celui-ci, avant d'entrer en cabine, on doit poser tous nos effets personnels dans un tiroir que l'on ferme nous même à clés et on doit montrer que nos poches sont vides. Avant de me laisser entrer, la médecin met un produit bleu dans la cuvette avec interdiction de tirer la chasse avant d'avoir eu son accord. Bref, tout est fait pour éviter que de quelque manière que ce soit, on dilue le petit bocal qui servira à déterminer si l'on est un toxicomane ou non. Heureusement que je n'ai pas attendu d'arriver ici pour le savoir ! D'ailleurs, je n'ai toujours pas eu les résultats de ce test (pas de nouvelles...) ! Et si dans les trois premiers jours, ces examens ne sont pas effectués, cela met un terme au contrat...

Ensuite est venue la prise de possession de mon ordinateur et j'ai alors pu accéder à tous les outils disponibles sur l'intranet. Enfin, j'ai "tenté" d'y accéder car première mauvaise surprise : mon nom de famille... En effet, ici tous les américains ont des "middle name" qui correspondent un peu à nos seconds prénoms à nous. Ainsi, vous imaginez bien qu'avec mon nom de famille composé, ils sont tombés dans le panneau et m'ont ainsi entré dans toute la base de données avec D... en "middle name" et M... en nom de famille. J'ai immédiatement fait corriger cette erreur, mais comme dans toute grande entreprise, ce qui devait prendre une nuit pour être réinitialisé a pris toute la semaine pour que chaque outil soit mis à jour au fur et à mesure que j'en avais besoin...

La suite de la semaine s'est résumée à lire les multiples règlements et procédures (près de 115 de 10 pages en moyenne...) en les signant directement sur l'intranet (ici l'utilisation du papier est plutôt bien régulée, tant mieux !). Il s'agit de tout ce qui cadre le fonctionnement de l'entreprise, du groupe et de ma filiale . Bref le squelette de l'entreprise.

Pour la deuxième semaine, c'était un peu pareil avec en plus des formations (auto-formations...) aux codes de calculs américains et aux méthodes de travail. Je me suis bien habitué au rythme de travail. En gros, le matin les personnes arrivent en moyenne à 7h30/8h pour repartir vers 17h/17h30. La journée type est de 8h et toutes les heures supplémentaires sont payées ou récupérées. Je trouve ce système particulièrement honnête par rapport à la France où les cadres ne comptent pas leurs heures. Il y a d'ailleurs un règlement dans l'entreprise qui limite la durée journalière de travail et pour les jours suivants de façon à ne pas abuser des heures supplémentaires qui sont sources de fatigue et donc de risque. Pourtant, mon chef Jim utilise les heures supplémentaires pour ses vacances à la place des congés payés. Il dit que ainsi, en cas de licenciement, il aura toujours ses congés non pris que l'entreprise devra lui payer. Très bizarre comme attitude pour quelqu'un qui ne risque pas d'être viré du jour au lendemain. (Enfin j'espère car c'est mon tuteur aussi!) Pourtant c'est quelque chose qui semble être partagé ici. Les américains ont peur de tout !

Enfin, c'est cette semaine (la troisième) que je suis entré dans le vif du sujet. Toute la semaine, l'ensemble de l'équipe avait ce que l'on appelle ici, une "kick-off meeting", c'est-à-dire une réunion de lancement de projet (au football : "kick-off" = coup d'envoi). Sans entrer trop dans le détail, il s'agit d'un projet très intéressant de retraitement des déchets nucléaires militaires produits entre 1945 et 1974 par les USA. Le lourd passé de la guerre froide est encore présent... Il faut désormais trouver une solution durable pour ces déchets stockés par millions de m3 dans les réservoirs sur la base de Hanford, WA, berceau du nucléaire militaire américain. Le but du retraitement de ces déchets liquides est de réduire leur volume, séparer les parties faiblement et fortement radioactives et les vitrifier pour pouvoir stocker ces déchets devenus inertes (mais radioactifs) dans des réservoirs plus petits pendant des centaines d'années, le temps que la radioactivité se dissipe. Notre équipe est chargée de calculer tous les équipements servant au pré-traitement de ces déchets, du pompage du liquide à la séparation des deux phases faiblement et fortement radioactives.

Sur ce projet très intéressant je serai peu impliqué puisque mon principal projet sera la certification de la version américaine des nouvelles centrales nucléaires EPR. Pour la petite histoire, EPR signifie "European Pressurized Reactor" en "hommage" aux équipes Françaises et Allemandes qui se sont associées pour le bâtir. Aux USA, cet acronyme est devenu "Evolutionary Pressurized Reactor" alors que le produit est plus ou moins le même. On reconnait bien là le côté défense des intérêts nationaux des USA, d'autant qu'un nouveau logo a été créé pour cette centrale, en intégrant le drapeau américain !

Pour en revenir à nos réunions de cette semaine, cela m'a permis d'apprendre énormément. Ce qui me rassure, c'est que je comprenais 95% de ce qui se disait. J'ai même pas mal participé, mais surtout j'ai observé et découvert la façon de travailler des amériains.

La première remarque, c'est que l'on a beaucoup à apprendre de leur compétence, leur pragmatisme, leur écoute et leur sens de l'échange ! A aucun moment, il n'y a eu de friction. Chacun savait respecter la décision du manager une fois les débats clôts. Chacun est impliqué dans le projet et c'est un véritable travail d'équipe où chacun sait ce qu'il devra faire et à qui il devra fournir des résultats, etc. Pour tout cela, on peut dire qu'ils sont très forts !

Mais il y a une chose qui m'a particulièrement surpris cette semaine. Il s'agit de tous les "à côtés" d'une réunion et de l'attitude si décontractée des personnes ! Chaque jour nous avions un peu le même rythme avec un petit déjeune proposé entre 7h30 et 8h00, début de la séance. Du café (écoeurant et sans effet !), du jus d'orange, des muffins, etc. Tout ça restait dans notre salle de réunion, et les gens n'hésitaient pas à aller se resservir pendant la séance malgré les nombreuses pauses ! D'un côté on pourrait croire que les nombreuses pauses soient un frein pour travailler correctement, et bien c'est faux ! Les américains savent tous être à la fois décontractés et sérieux, allant même jusqu'à somnoler pendant la réunion sans que cela gêne personne ! Ca m'a épaté et j'aurais dû en faire autant !

En tout cas, ils n'arrêtent jamais de manger les américains ! D'ailleurs, j'ai bien regardé tout le monde autour de la table et sur 18 personnes, j'étais le seul à ne pas avoir au moins une brioche à la place du ventre. Ca fait peur pour l'avenir, mais en tout cas pour l'instant Harmonie et moi on a plutôt perdu que pris du poids tant la nourriture n'est pas riche lorsque l'on évite la "junk food" (pizzas, tacos, fast food, etc.)... Pour finir sur le sujet, le midi nous avions ce qu'ils appellent des "working lunch", c'est-à-dire que pendant une heure nous mangions (pas trop mal) directement dans la salle de réunion en discutant de sujets liés au travail mais pas vraiment formels. Donc pendant 10h environ on ne sortait pas ou peu de la salle de réunion, et pourtant ça ne nous pesait pas ! Quand je pense qu'en France, après 4 heures de réunion, j'étais lessivé...

Voilà pour ce qui est de mes trois premières semaines dans mon nouveau boulot. Puisque ça me prend pas mal de temps en ce moment, c'était normal que je vous en parle un peu et vous voyez y'a pas mal de choses différentes dans leur façon d'être et de se comporter. Si vous avez des remarques, n'hésitez pas ! Mais pas questions de me demander le plan des déchets nucléaires américains, Internet est là pour ça ! Mais ne comptez pas non plus sur GoogleEarth, la zone est censurée...

A très bientôt !!