Vendredi, donc, je quitte le travail tôt dans l'après-midi, bien décidé à profiter ! Ce soir, j'ai prévu d'emmener Harmonie voir un film d'archive. Après quelques réticences, elle semble convaincue et me fera le plaisir de m'accompagner ! Il est encore tôt et sur la route du retour, je me dit que j'ai le temps de faire un petit saut aux magasins de guitares ! Comme j'ai volontairement laissé ma guitare à Rennes puisque elle est fragile et que j'y suis attaché, je prévois de m'offrir ma première guitare neuve et que je garderai pendant de longues années j'espère ! Premier plaisir du weekend, super !

Je suis donc passé dans deux magasins. Et ici c'est vraiment le paradis de la guitare ! Il y a toujours un vaste choix avec des dizaines de marques représentées et des centaines de modèles différents ! Dès votre entrée, vous vibrez au son des morceaux que des joueurs improvisent en rêvant au modèle qu'ils s'offriront eux aussi peut-être un jour... Vous vous émerveillez aussi lorsqu'en rentrant vous découvrez des murs remplis de guitares électriques. Puis au fond du magasin, une pièce à l'atmosphère chaude, qui tranche avec le reste du magasin, est dédiée aux guitares acoustiques, celles qui n'ont pas besoin d'ampli pour se faire entendre. Les gardiennes de la tradition en somme. A ce titre, elles ont donc droit à un traitement de faveur. La pièce est insonorisée pour s'isoler des bruits électriques des petites impertinentes et également humidifiée de telle sorte que le bois de chaque guitare soit dans les meilleures conditions pour délivrer le son à la hauteur de ses performances sous les doigts habiles de son cavalier. Mais ce n'est pas fini. Telle une poupée russe, une autre petite pièce se situe au fond de cette dernière et abritant les joyaux de la guitare acoustique. En entrant dans cette pièce vous êtes envoutés : cette pièce s'observe, s'écoute et se sent... Et c'est dans ce sanctuaire que je trouverai mon bonheur !

Effectivement, ici se situent les guitares Martin fleuron de la guitare acoustique Made in USA depuis 1833. Un vendeur en France m'avait prévenu, « quand on essaye une Martin, c’est difficile de faire machine arrière ». Sans être sectaire, c'est vrai que j’ai été séduit par ce son chaud, puissant et précis ! Reste à trouver le modèle qui me conviendra le mieux et que je pourrai m'offrir. La gamme est large et je devrai attendre la semaine prochaine pour pouvoir essayer la guitare qui semble rassembler tous mes critères...

Sorti du rêve, j'ai juste le temps de rentrer à la maison ! En retournant au parking, je croise alors une famille de français qui peinent à faire rentrer des cartons dans leur coffre. Je leur propose alors mon aide puisque ma voiture est vide. Non sans surprise qu'on leur parle directement en français, ils me répondent que ça devrait aller. Je reprends alors mon chemin bien content de mon petit effet. Un rien suffit à me faire sourire ce soir !

J'arrive donc à la maison et hop nous partons à pied pour notre soirée ! Quel plaisir de pouvoir aller au ciné à pied. Et l'on ne se doute pas encore de ce qui nous attend... La séance se passe dan le cadre du "Harvard Film Archive", une sorte d'annexe à l'école d'art d'Harvard, qui projette des anciens films d'auteur. Ce soir, ils passent « The French Connection », le film aux 5 oscars !

En fait, il s'agit d'une soirée spéciale qui ponctue une semaine de projections des films de William Friedkin, le réalisateur, entre autres, de l'Exorciste et d'autres films qui ont rencontré (ou pas) le succès. Nous arrivons à 6h45 et nous prenons place dans une petite salle de 150 places, pas plus. En passant, nous remarquons un petit pupitre sur le côté de l'écran. Peut-être y aura-t-il un débat après le film ? Les gens sont plutôt de l'âge de nos parents et le look plutôt intellectuel. L'ambiance est conviviale et tout le monde papote avant la projection. Nous avons bien fait d'arriver un peu en avance car la salle est maintenant comble !

Soudain, un homme, au look de Stéphane Bern, s'avance au pupitre et prend la parole. Il présente un peu la soirée et nous indique qu'il s'agit d'une nouvelle version du film "remasterisée" et en qualité blue-ray qui n'a été projetée que deux fois à Londres et à Paris. L'assemblée semble étonnée et montre rapidement sa joie à l'idée de voir la qualité du film améliorée puisque la version originale tournée en 104mm comportait des couleurs dégradées selon les spécialistes. Pour nous qui n’avons pas vu le film, nous ne mesurons pas encore l’importance de cette nouvelle version…

Puis, l’homme au costume serré et à la coiffure brushinguée annonce les personnes présentent dans la salle puis s’exclame : « And I am pleased to welcome… Mr. William Friedkin!». Harmonie et moi, nous regardons, oui il s’agit bien du réalisateur qui est en train de faire son entrée dans la salle ! Tout étonnés et excités, nous savons désormais que nous passerons une soirée exceptionnelle !

Friedkin est un homme de 70 ans environ au look de réalisateur old-school plutôt que starlette. Son apparence d’homme de son âge dénote avec son discours moderne et dynamique ! D’emblée, il fait une blague qui fait rire toute la foule… et nous aussi ! Quel plaisir de comprendre les gens et même certaines de leurs blagues. Le ton est donné et il nous parle alors du film que l’on s’apprête à regarder. Son discours est ponctué d’anecdotes qui, bien qu’elles ne puissent pas être vraies à 100%, flattent les oreilles de l’auditeur avide de découvrir les coulisses de la vie d’une personne ayant vécu de grandes choses…

En comblant par ses anecdotes le retard dû à un problème technique et au placement des dernières personnes dans la salle, il entra plus dans le détail et nous expliqua, par exemple, dans quel contexte il a tourné The French Connection. Ainsi, puisque son budget n’était pas extensible, pour réaliser ce qu’il avait en tête, il n’a pas hésité à tourner des scènes de course poursuite de voiture dans les rues de New-York ouvertes à la circulation ! Se jugeant lui-même d’arrogant, il nous expliqua que c’était en 1970 et que les choses ne se passeraient plus du tout ainsi aujourd’hui… On en doute pas !

Le film débuta enfin et nous avons pu apprécier son intensité ! Pour ma part, je l’ai trouvé excellent et Harmonie l’a bien aimé aussi malgré le fait que ce soit un film de gangsters !

A la fin de la séance Friedkin a repris la parole avant de répondre aux questions du public. Il nous raconta alors plus en détail une scène emblématique du film : la principale course poursuite du film (qui ne se résume pas à ça !) entre une voiture et le métro aérien de New-York. En fait cette scène a été montée en deux séries de prises de vues. Les premières images correspondent à des prises en caméra embarquée (pour donner du rythme) à bord de cette fameuse voiture lancée à 90 miles/h (je vous laisse faire la conversion !) en pleine circulation ! La deuxième série d’images vient de la réelle course poursuite entre la voiture et le métro mais à « seulement » 50 miles/h cette fois-ci dans des rues toujours ouvertes à la circulation... Le plus fou c’est que pour cette course poursuite, Friedkin n’a pas eu l’autorisation non plus de faire rouler le métro à cette vitesse, et encore moins, de le faire foncer à travers les stations sans s’arrêter ! Pour la petite histoire, l’un des responsables des transports a finalement autorisé cette course poursuite et accepté de perdre son boulot en l’échange d’une retraite confortable dans les Caraïbes. Ha, les années 1970... Une scène digne d’un film ! Et quand Firedkin raconte son histoire, on se dit que vraiment, ce gars ne cesse jamais de faire du cinéma…

Ensuite, il aborda le casting en nous expliquant comment il avait choisi les acteurs pour les différents personnages. Enfin, ça n’est pas vraiment lui qui décidait des acteurs. Il devait jongler entre les desiderata des producteurs, les disponibilités et les capacités des acteurs. Par exemple, pour le rôle principal, ça n’est qu’après tergiversations que le nom de Gene Hackman est finalement retenu pour ce rôle. Selon Friedkin, Hackman n’aimait pas ce rôle de flic bourru qui ne lui ressemblait pas. Surprenant d’entendre cela alors que Hackman a obtenu l'oscar du meilleur acteur cette année là ! Ce doit être véritablement un grand acteur pour jouer brillamment un rôle à contre-cœur !

Les questions du public étaient pertinentes et nous ont permis d’assister à un débat fort intéressant ! Par exemple, un partisan des films tournés en format 35mm demanda à Friedkin pourquoi il ne l’avait pas tourné dans ce format ce qui aurait évité d’avoir recours aujourd’hui à la technique numérique dénaturant ainsi « l’âme » de son film. Friedkin de répondre que s’il avait pu le faire, il l’aurait fait ! Mais la technique ne permettait pas en ce temps là d’avoir des pellicules de 35mm sur lesquelles les couleurs restent stables. William Friedkin, qui est un adepte convaincu du format numérique, participe aujourd’hui à certaines séries américaines comme « CSI » (« Les Experts » en français).

Le débat a ainsi duré un certain temps laissant au public le temps de poser ses questions.

Nous sommes rentrés chez nous, et tout en marchant, nous nous sommes remémorés les moments forts de notre soirée en se disant qu’on a de la chance d’avoir ce genre d’événements à deux pas de chez nous.

Non vraiment, ça s’annonce être de nouveau un weekend de surprises !...